Lors du Conseil de Paris les écologistes ont voté contre la création d'un service de police municipale à Paris. Vous découvrirez ci-après l'Intervention de Raphaëlle Remy-Leleu au nom du Groupe écologiste lors du Conseil de Paris le 2 juin 2021.
-------------- Mme Raphaëlle RÉMY-LELEU.
Merci Madame la Maire, Monsieur le Préfet, cher.e.s collègues à mon tour de vous exposer non pas uniquement les raisons de notre vote contre, mais aussi pourquoi la création d’une police municipale n’est pas une solution, encore moins une évidence.
Nous savons la tentation, nous l’avons entendue parmi les orateurs précédents, d’agiter le spectre de la peur, la tentation de rentrer dans le jeu des petites phrases, qui dit quoi, quels sont les points d’accords de désaccords que nous avons présentés au suffrage des électeurs et des électrices. L’exercice n’est d’ailleurs pas malsain en soit, mais il comporte un risque : faire comme si tout cela n’était pas grave.
Je veux vous dire pourquoi les écologistes alertent, préviennent, vous demandent de ne pas créer cette police municipale. Plus encore que la majorité de ce Conseil, j’ai envie de croire que ce sont les Parisiennes et les Parisiens que nous pouvons convaincre, qu’à travers nos débats, sans anathème ou jeux rhétoriques, notre espace public peut encore être le lieu des idées et de la définition des politiques.
La police est à l’origine une idée profondément républicaine et même de gauche, c’est l’organisation de la force de l’État dans un corps constitué, encadré, formé, sur lequel peut s’exercer un contrôle démocratique. C’est la confiance que nous mettons collectivement à nous imposer des règles, à créer nos propres limites à soutenir celles et ceux qui doivent les faire respecter, ça n’est plus le règne du plus fort, c’est l’émergence de l’État de droit.
Les mots de service public de la sécurité ne sont donc pas vains. Madame la Maire vous l’avez rappelé hier, le service public, c’est le bien de toutes et tous, c’est le bien de celles de ceux qui n’en n’ont pas. Or, la création d’une police municipale va fragiliser ce service public, je vais tenter une dernière fois de vous en convaincre.
Le premier risque, c’est le désengagement de l’État. Nous en avons parlé pendant l’examen des comptes de la ville. L’irresponsabilité financière de l’État, quel paradoxe de risquer d’accentuer ce désengagement, cette carence trop souvent coupable. D’autant plus que nous avons vu la faiblesse des moyens de la ville pour compenser cette carence.
Les conséquences financières de la création de la police municipale n’ont pas été clairement présentées. Ne serait-ce que pour les installations immobilières sur lesquelles j’ai eu l’occasion de revenir lors des précédents Conseils. J’ai bien écouté vos arguments concernant la territorialisation et l’intérêt d’une circonscription par arrondissement, mais cette territorialisation eut tout à fait été possible et utile dans le cadre de la DPSP.
Le service public nécessite d’ailleurs un dialogue social exigeant et la création de la police municipale ne fait pas l’unanimité parmi les organisations syndicales. Si des garanties notamment sur l’indiciaire ont été données, l’organisation des services, des horaires, la charge de travail, l’inadéquation des formations, le rythme de mise en place ou encore la pression subie sont autant d’inquiétudes auxquelles il aurait fallu répondre.
Paris n’est pas prête à accueillir une police municipale pour la simple et bonne raison que cette décision ne répondra pas à nos attentes.
L’installation de la police municipale participerait à casser le principe d’unité d’action des forces de l’ordre et je le dis sans malice, nous aurions une conversation très différente si nous avions obtenu préalablement le démantèlement de la préfecture de police.
En effet, le droit commun en termes de sécurité n’existe pas à Paris du fait de cette organisation institutionnelle. Plusieurs fois, la mission a été donnée à la préfecture de police de rentrer dans le cadre général, ne serait-ce que pour les missions d’enquêtes et de renseignements. Jamais un préfet de police n’a même accepté d’entamer sérieusement ces chantiers, je ne reviendrai pas sur les nombreux problèmes que nous avons face à la conduite de la force publique sous les ordres de la préfecture de police. Néanmoins cher.e.s collèges, je vous demande de prendre la mesure du poids que vous ferez porter aux membres de la police municipale qui y seront assimilés.
La préfecture de police ne laisse qu’un champ de compétences très limité, des compétences qui sont d’ailleurs largement déjà exercée par la DPSP, qui intervient sur les incivilités, la circulation, le stationnement, la salubrité, des missions différentes et qui ne seront que peu élargie par la création de la police municipale. D’aucun imagine déjà que la police municipale va régler tous les problèmes d’occupations anxiogènes de l’espace public, petite délinquance comprise. La police municipale va donc nuire à la clarté des compétences exercées et risque de créer déception ou frustration.
D’ailleurs dans notre débat nous avons entendu plusieurs fois le terme de « police de proximité ». Cette dernière a été pensée, il y a longtemps autour de trois piliers : le réinvestissement du terrain, la polyvalence des effectifs, la fidélisation des policiers sur leur secteur. Ses principes fondamentaux sont ceux qui étaient voulus par la gauche en 1997 pour la police nationale, j’aurais souhaité vous voir renouer avec ce corpus et de moderniser avec toute la force d’une majorité plurielle plutôt que de céder aux sirènes de la droite.
Parmi les plus fatales d’entre elles, permettez-moi de revenir enfin sur la question de l’armement. Plus qu’un renoncement, quel échec en 2021 de croire que les armes sont de nature à rassurer et à protéger, un cadeau à faire aux personnes engagées sur le terrain. Ce n’est pas de l’angélisme que de vous le dire, c’est la doctrine de la police et de la gendarmerie française qui s’enorgueillit de n’avoir recours à l’armement qu’en ultime conduite après la médiation, après la désescalade, après la négociation, après l’usage d’autres types de contraintes.
C’est pour cela qu’ont été créées des unités spécialitées d’intervention : GIGN ou RAID. L’usage des armes est l’ultime recours et l’ultime danger auquel soumettre les forces de l’ordre car les armes appellent les armes. L’effet cliquet a été souvent décrit dans les débats sur la loi sécurité globale : nous ne pourrons pas revenir en arrière.
Nous avons bien compris l’aspect historique de cette délibération et nous vous demandons donc un courage d’autant plus inédit : celui de refuser la création de la police municipale.
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